Rapport de mer sur l’incident entre Tangui et Imagine

Il est précisé que dans ce présent rapport, les heures seront données en TU+2

Je soussigné, Chevallier Yann, moniteur de voile, skipper BPPV, déclare avoir quitté le port de La Rochelle à bord de mon bateau Imagine, proto 6.50 type mini-transat, samedi 14 mai à 11h pour une course en solitaire de 500M organisé par l’association Grand-Pavois La Rochelle.

Le navire

 Météo : Vent de W 3-4b pour l’après midi mollissant en début de nuit en tournant à gauche pour finir 2b de SW. Une dorsale anticyclonique s’installant, le vent va rester SW pour la 2nde partie de nuit et le jour suivant.

Samedi 14 mai à 12h, le départ est donné par la SRR (Société des Régates Rochelaises) pour une course de 500 milles en solitaire. Après être parti en bonne position, Imagine met le cap vers Groix en sortant par le Pertuis d’Antioche comme l’indiquaient les instructions de course. A 21h30, au coucher de soleil, je mets mes feux de navigation, en tête de mat, plus l’éclairage des instruments. Vers 22h, Imagine est au large des Sables d’Olonnes, le vent tombe à 1-2b et est au SW, je hisse le Genaker. La nuit est fraîche avec quelques petites averses sous les nuages. Côté course, je suis au milieu du classement. Le vent retourne un peu à l’W, pour garder le genaker, je décide de passer au N de l’île d’Yeu avec 2-3 concurrents proches.

Vers 4h du matin, le vent reste à l’W-SW et tombe à 3-4nds. J’affale le genaker et je hisse le génois car je dois lofer un peu. Je suis alors à 2-3 milles à l’est de l’île d’Yeu. Mon concurrent le plus proche est à environ 2 M devant.

A 5h30 environ, le plan d’eau est calme, je suis sous le vent de l’île d’Yeu, cap au 330° à la vitesse de 2-3nds avec un vent de 4nds d’W. Après avoir bien scruté l’horizon pour surveiller un nuage qui pourrait générer plus de vent, un danger comme un casier ou une bouée, voir ce que font les adversaires et pensant que la situation n’allait pas évoluer rapidement, je descends à l’intérieur d’Imagine pour me changer et me faire chauffer un peu d’eau. Une fois changé, l’eau chauffait encore, j’entends un bruit sourd et le bateau s’arrête brutalement.

Ma première réaction est de regardé le bras de levier de ma quille pivotante car je pensais qu’Imagine venait de talonner pensant que le pilote n’avait pas conservé le cap que je lui avait donné avant de descendre. Fausse alerte, ce n’est pas un talonnage, je sors rapidement dehors et j’aperçois un bateau de pêche tournant autour de moi. Il est alors 5h45 d’après ce que le patron de pêche m’a dit plus tard. Mon étrave a tapé à la perpendiculaire du bateau de pêche. Je scrute l’avant d’Imagine, je constate que le balcon est cassé et surtout que la ferrure où se fixe l’étai est tordu, poinçonne le pont provoquant un délaminage. Sur les 7 vis retenant cette ferrure, seules 3 vis tiennent encore dans la stratification. La fixation, le point d’encrage de l’étai étant fortement endommagé, je décide d’abandonner la course, pour éviter de prendre le mat sur la tête.

Pendant ce temps, le chalutier continue de tourner autour d’Imagine en m’éclairant avec son puissant projecteur. Il me demande si tout va bien, je lui annonce que je vais bien, mais que je suis en course et que je dois abandonner car le bateau est bien abîmé. Il me dit alors qu’il ne m’avait pas vu, il regarde les feux de navigation des bateaux au raz de l’eau (comme si ils étaient fixés sur le balcon avant) et pas trop en l’air (comme le mien qui est à 12m au dessus de l’eau).

Ensuite il me dit que son bateau de pêche s'appele TANGUI et qu'il est de Port Joinville; qu'il sera de retour de pêche vers 12h. Je lui annonce que je fais donc route sur Port Joinville pour se rencontrer et discuter ainsi de l'accident. Tangui remet les gaz pour rejoindre son lieu de pêche, cap à l'E. Autour de moi, à cette heure ci, tous les bateaux de pêche sortent rapidement du port de l'île d'Yeu en même temps pour rejoindre leur lieu de pêche. Je rentre seul sans assistance au port et j'amarre Imagine vers 8h.

Vers 12h30, je retrouve Tangui au port. 3 ou 4 personnes se trouvaient à bord, Burgaud Olivier, l'armateur de Tangui était désolé, il marchait à 7-8nds et faisait route sur son lieu de pêche quand l'incident s'est produit. D'après ce qu'il me disait, il n'a pas vu mes feux de tête de mat, il a plus l'habitude de regarder au raz de l'eau. Il me donne aussi les coordonnées géographiques du lieu de l'incident 46°44'110N, 2°17'165W. On s'échange nos coordonnées, nos assurances respectives. Le retour d'Imagine s'est fait lundi au portant, vent de NW 2-3b, pour ne pas risquer de mettre trop de tension sur l'étai.

Mardi après-midi, je procède à une inspection plus poussée des dégats occasionnés par l'incident, le balcon avant est complètement tordu avec le pied central désolidarisé du reste. Les points de fixation des outriggers sont tordus (partie arrière du balcon). Les bouts en spectra de diamètre 8 permettant l'orientation du bout dehors sont endomagés. L'étai a gardé la forme de l'impact. Il faut aussi restrater les points de fixation du balcon.

Tel est le présent rapport que je certifie sincère et véritable. En raison des chocs subis par Imagine, j'émets dès à présent toutes les réserves quant aux avaries constatées ultérieurements.

De plus, je me réserve le droit de modifier et d'amplifier ce rapport si nécessaire.

CHEVALLIER Yann

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